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On ne le voyait plus, le dimanche, qu’à l’église ; mais ce n’était pas vers l’autel que se dirigeaient ses regards fervents.

Lucie, elle, s’abandonnait de toute son âme au bonheur d’être aimée. Sa figure avait pris de l’éclat et une nouvelle fraîcheur. Souvent elle lançait dans l’air une volée joyeuse de notes improvisées. Elle avait aussi du chagrin, et passait naïvement du rire aux larmes, comme la vie le voulait. Car les peines de sa famille ne faisaient que s’accroître. Retardée dans ses progrès par l’influence de l’été, la maladie de Clarisse exigeait toujours les mêmes soins et les mêmes dépenses. Lucie maintenant passait des journées entières courbée sur des broderies, pendant que sa mère, en poussant de longs soupirs, la remplaçait au ménage et à la cuisine. Brisée le soir, il était bien nécessaire qu’elle allât prendre l’air au jardin. C’était à peu près à cette même heure que Michel, arrivant des Èves, se dirigeait vers le bosquet. Mlle Bertin s’avouait bien que de si fréquentes entrevues n’étaient pas convenables, et pouvaient donner lieu à de méchants propos ; mais jamais elle ne put se résoudre à évoquer en face de Michel une pareille idée. Or, quelle autre raison alléguer ?

Il y avait un moyen bien simple, mais auquel Lucie ne pensa pas, c’est qu’elle eût pu se promener ailleurs qu’au jardin : les prés et les champs d’alentour, aussi bien que les chemins, lui étant ouverts. Il est vrai qu’il est plus agréable et plus commode de se promener chez soi.

Un dimanche du milieu de juin, à la leçon :

— Les Bourdon vont revenir, à ce qu’on dit, mam’zelle Lucie ? demanda Michel.

— En effet, répondit la jeune fille ; ils seront ici dans huit jours.

— Alors vous irez chez eux, comme auparavant, passer la journée du dimanche, n’est-ce pas ?