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— Mon Dieu, mam’zelle Boc, à présent, me voilà toute fâchée d’en avoir touché un mot. Comment ça est-il venu ? Je voudrais pourtant pas me mettre mal avec vous.

— Eh bien, je ne suis pas contente.

— Hélà ! comment faut-il faire ? C’est pourtant sûr que je ne sais rien. Et pour quant à y croire, au moins, je n’y crois pas. C’est mon homme qui assure ça. Du reste, je vois ben qu’ils sont tout le dimanche ensemble, mais qu’est-ce qu’ils peuvent se dire ? Sûrement, rien que de bien ; car m’amzelle Lucie est une demoiselle trop comme il faut pour…

— Êtes-vous folle, Touronne ? Est-ce que vous oseriez prétendre que Mlle Lucie aurait des yeux pour ce paysan ? Vous avez de drôles d’idées, vous autres ! Allons ! allons ! laissez-moi tranquille, ça me met en colère ! c’est une indignité !

— C’est tout comme je pense, mam’zelle ; comme j’ai dit à mon homme : as-tu pas de honte d’avoir des idées comme ça à l’égard d’une respectable demoiselle ? Quand ça serait vrai, d’ailleurs, faudrait-il le dire ? Non, voyez-vous, les gens d’à présent n’ont plus de respect pour rien.

— Il est certain, reprit Mlle Boc, un peu adoucie, qu’on a trop de bonté chez les Bertin pour ce petit Michel ; mais cela devrait être sans conséquence aux yeux de tout le monde. À vrai dire, je ne comprends pas pourquoi Lucie lui donne des leçons. Qu’a-t-il besoin d’apprendre ? Je n’aime pas qu’on ait l’air de vouloir sortir de son état.

— Précisément, mam’zelle Boc, c’est les leçons qui font jaser le monde. Voyez-vous, les paysans sont si bêtes, qu’ils peuvent pas s’imaginer qu’un jeune gars et une jeune fille, quand même c’est une demoiselle, restent comme ça tout seuls dans une chambre sans se faire l’amour ni s’embrasser.