— Qu’est-ce que tu as, Marie ?
— Qu’as-tu donc ?
— J’ai vu, dit la fille d’une voix étouffée, j’ai vu la bête blanche !
— Seigneur ! qu’est-ce qu’elle dit ?
— Où ça ?
— De quel côté ?
— Là-bas, fit-elle, vers la grange à M. Bertin. Elle allait par grands sauts comme ça, et puis tout d’un coup elle a-t-entré dans la grange.
— Bon Dieu ! s’écria la Touron, ça va-t-il donc être la fin du mondée, qu’on voit des choses comme ça tous les jours ? Sûr que tu t’es trompé, mon homme, et que ce que tu as vu hier entrer avec une lumière, c’était un revenant, puisque v’là la bête blanche à c’te heure.
— Ça veut dire quelque malheur pour les messieurs Bertin, dit Marie.
— Bah ! c’est plutôt une manigance, dit le tailleur. Jeandet et Gustin, avons-nous du cœur ? Faut prendre nos fourches et aller voir ce que c’est.
— Si seulement ça avait des os, grommela Jeandet.
— Parle pas de ça, Jésus ! ça fait passer le frisson. On dit que ça se change en esquelette quelquefois.
— Vlà des fourches ! allons, les gars ! venez, si vous n’êtes pas des poules mouillées. Nous allons nous poster à chaque côté de la porte, et si ça sort, nous fonçons dessus.
— Prends mon chapelet, Gustin dit la mère. Et toi, Marie, donne le tien à Jeandet.
— Mon p’pa est enragé, dit Gustin, qui restait en arrière. Bon encore de courir après les voleurs, mais après ça…
— Tu n’auras rien de mal, Gustin, pourvu que tu songes à faire un grand signe de croix. Aie confiance en