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Restée seule, Mlle Bertin soupira.

— Il a bien raison d’être chagrin, pensait-elle. Nous ne nous verrons plus guère à présent. Mais je ne lui ai pas fait la commission de mon oncle Bourdon. Aussi, comme il est parti vite !

Elle arrivait au seuil de la maison quand elle s’entendit appeler à voix basse.

— Ah ! dit-elle en se rapprochant, c’est vous ?

— C’est que vous ne m’avez rien conté de ce qui s’est dit, mam’zelle Lucie, ni comment les choses s’arrangeront. Si ça ne vous ennuyait pas trop, je vous attendrais là-bas dans le bosquet.

— Il le faut bien, dit-elle, car j’ai une commission à vous faire. J’irai dans une heure, après souper.

Elle s’esquiva, en effet, sous prétexte d’une promenade aux étoiles. Il faisait une admirable nuit, à la fois claire et voilée. Dans le jardin, les juliennes embaumaient. Lucie trouva Michel qui l’attendait ; ils s’assirent l’un près de l’autre sur le banc, et la jeune fille raconta sommairement sa conversation avec M. Bourdon. En terminant :

— Vous irez donc lui parler demain matin, n’est-ce pas ?

— Je le ferai, dit Michel, puisque c’est vous qu’il a chargée de la commission ; mais ça ne me va guère. À quoi peux-je lui être bon ? Tout ça n’est point mes affaires, et j’aimerais mieux ne m’en point mêler.

— Mon oncle m’a parlé de vous avec éloge, Michel.

— J’en suis pas plus fier, mam’zelle Lucie. A-t-il pas dit du bien aussi de M. Gavel ?

— Peut-être M. Gavel l’a-t-il chargé de vous témoigner sa reconnaissance ?

— Et c’est ça qui m’ennuie. M. Bourdon est amical, et moi, je serai obligé de le refuser. Il a, comme on dit, la langue dorée et m’en contera de toutes les couleurs, tant