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— Mais quels sont vos chagrins, pauvre ami ? demanda-t-elle avec une sincère émotion.

Michel la regarda en pâlissant, détourna la tête, et sembla faire un violent effort sur lui-même, puis, d’un ton plus calme :

— Jamais je ne serai tout à fait malheureux, mam’zelle Lucie, tant que vous m’appellerez votre ami. Et de même, si je peux jamais vous être bon à quelque chose. Après ça, ne me demandez point ce qui me chagrine.

— Je ne vous le demandais que par amitié, répondit-elle un peu fâchée que Michel lui refusât sa confiance.

Le soir, Lucie alla chez son oncle Bourdon. Elle espérait obtenir de son humeur communicative quelques éclaircissements sur le sort de Michel et de ses compagnons, car, n’ignorant pas que Lucie avait eu connaissance la première de l’intrigue de M. Gavel, il serait engagé sans doute à lui parler de toute cette affaire. Elle arriva par le jardin, et eut la satisfaction d’y trouver son oncle, occupé à greffer quelques roses nouvelles.

M. Bourdon aimait sa nièce. Quoique soucieux, il l’accueillit avec empressement, et l’embrassant comme à l’ordinaire :

— À la bonne heure ! voilà une jolie fille qui vient me servir de garçon jardinier. Veux-tu m’aider ?

— Avec plaisir ! dit Lucie qui prépara aussitôt un bout de laine et se tint prête à enfermer sous la juteuse écorce le nourrisson étranger.

Sociable et actif comme l’était M. Bourdon, les goûts sédentaires de sa fille le contrariaient fort ; il eût aimé à faire d’Aurélie son aide-horticulteur, et il savait beaucoup de gré à Lucie du goût et de l’aptitude qu’elle montrait pour ces occupations. Aussi lui proposa-t-il en riant d’être l’intendant de ses jardins en son absence, — car