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meilleur. À moins que ça n’ait changé au jour d’aujourd’hui…

— Sacrédié ! ça n’est pas le plus court !

— Non, pas pour chez vous, père Pernet ; mais de Chavagny à Poitiers, passant par le chef-lieu du canton, c’est le chemin des oiseaux, quoi !

— C’est le chemin de vos brandes ! cria Pernet.

— Dame ! tous les chemins ne sauraient passer par chez vous.

— Tous les chemins ! reprit Pernet. Quel chemin donc m’a-t-on fait, à moi ? Et pourtant, da ! suis-je pas conseiller municipal comme M. Bourdon ?

— Pernet, mon cher Pernet ! s’écria M. Bourdon d’un ton pénétré, vous sied-il à vous, homme honorable, de répéter les sottises des braillards de Chavagny ? Mais je ne tiens à ce tracé, moi, que parce qu’il est tout à l’avantage de la commune, car il me cause au contraire un tort réel. Ne voyez-vous donc pas qu’il rogne et morcelle mes plus beaux champs, le pâtural aux Biches, le pré des Alizes, les Èbles, les meilleures terres du pays ?

— Pour ça, f… ! c’est dommage, tout sûr, s’écria un des paysans en frappant du poing sur la table. Tous vos chemins, ça n’est bon qu’à ruiner la terre, et si je vote pour celui-ci, moi, d’abord, c’est qu’il se paraît bien qu’on le ferait tout de même. Nous n’avons pas le préfet dans not’ manche, nous autres, avec le conseil général. Après encore, si je vote pour ce chemin-là, c’est qu’il ne passe pas sur ma terre. Car, voyez-vous, si l’on voulait m’en rogner tant seulement un lopin, quand même ça ne serait que mes brandes, allez ! allez ! ferait beau voir… J’actionnerais plutôt le préfet, quoi ! Oui, messieurs, ça n’est ma foi guère avisé pour des savants de faire pousser comme ça la pierre en place de blé.