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en se laissant glisser près de Lucie. Mon cri de chouette les a fait partir un moment plus tôt.

— Quoi ! c’est vous qui faisiez ce cri, Michel ? J’ai cru moi-même que c’était la chouette.

— Partez vite, à présent ! Partez, mam’zelle Lucie ! Ah que j’ai souffert, mon Dieu ! Vous savoir dans la peine à cause de moi, et ne pas pouvoir vous défendre ! Quand pourrai-je vous donner de mon sang ! Oh ! pardonnez-moi !

Il devait avoir souffert, en effet ; sa voix était brisée. Lucie l’entrevoyait dans l’ombre à ses pieds.

— Ne vous affligez pas ainsi, dit-elle en lui donnant la main. Toute la faute est à moi. J’ai été bien oublieuse et bien imprudente !

Elle sentit sa main inondée de larmes chaudes.

— Ah, Michel ! murmura-t-elle, ne pouvant s’empêcher de témoigner par une étreinte l’affection qu’elle ressentait pour ce doux et brave cœur.

Elle sortit et rentra heureusement dans sa chambre ; mais elle ne dormit pas du reste de la nuit. Son âme était pleine d’une émotion délicieuse. Elle se rappela, rougissante et rêveuse, tous les incidents de la soirée. Elle songea aussi à donner un livre à Michel pour l’aider à passer la journée du lendemain, et chercha longtemps quel serait ce livre, sans en pouvoir trouver d’assez beau à son gré parmi ceux qu’elle possédait. À ce propos, elle s’avisa de penser que ce serait une douce et noble tâche que d’être l’institutrice de Michel. Mais je n’en sais guère plus long que lui, se dit-elle. Elle trouva même que Michel en savait davantage que la plupart des livres, car beaucoup péchaient par manque de justice ou de sentiment.

Lucie se leva de si bonne heure que la soupe du matin fut prête avant le réveil de M. et de Mme Bertin. Elle en mit de côté pour Michel et se réjouit de pouvoir la lui servir