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tira lentement un couteau de sa poche, en regardant de côté les volailles odorantes. M. Bourdon se mit à découper ; la Mourillon poussa les enfants dehors et sortit elle-même. On entendit alors dans la cour sa voix glapissante gourmander les enfants, les poules et la servante Madelon.

— Père Pernet, goûtez-moi ça ! dit l’amphitryon en versant à Boit-sans-soif un verre de vieux vin de Bordeaux.

Boit-sans-soif regarda, d’un air de connaisseur, à travers son verre, fit une grimace d’approbation, et toucha légèrement le bord de son chapeau, en disant :

— À vot’ santé, monsieur et la compagnie ! puis il goûta lentement ; et, posant le coude sur la table, après avoir d’un air grave regardé tous les convives, il demanda d’un air finaud :

— Ça vient comme ça dans vot’ métairie des Èves, monsieur Bourdon ?

— Précisément, mon vieux ; et toutes les fois que vous viendrez me voir, nous en boirons.

— Si c’est comme ça donc, reprit Pernet du même air, vous n’y pensez pas, mossieur Bourdon, de vouloir faire passer un chemin tout au travers de vot’ vigne ?

— Eh ! eh ! eh ! firent les paysans en riant.

— Taisez-vous, farceur ! Et si je veux faire ce sacrifice à l’avantage de la commune !

— C’est beau de vot’ part, mossieur Bourdon. Tant seulement faut-il savoir si de vrai la commune en tirera profit.

— C’est incontestable ; mais on persiste à croire que je suis intéressé dans la question ! Voyons, monsieur le maire, expliquez donc les choses à cet entêté.

— Du temps de mon grand-père, dit avec importance celui des paysans dont la dignité venait d’être ainsi révélée, on disait comme ça que le plus court chemin était le