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Lucie monta dans sa chambre avec sa sœur, et ne se souvint qu’en se déshabillant du pain destiné par Gène aux deux autres fugitifs. Comment le leur remettre ? À minuit ! Gène avait fixé là une heure bien étrange ! Il aurait fallu donner ce pain à Michel, car assurément Lucie ne pouvait passer la nuit dans le pré pour attendre Cadet.

Il eût été dangereux d’essayer de justifier près de sa sœur une absence nouvelle, aussi bien que d’aller dans la petite chambre aux ferrailles tant que M. et Mme Bertin n’étaient pas couchés. La jeune fille trouva que le meilleur parti était d’attendre que tout le monde fût endormi, pour se relever sans bruit et aller porter le pain à Michel, qui épierait de la grange l’arrivée de Cadet. Elle se mit donc au lit, et s’efforça de rester éveillée. Mais l’irrésistible et profond sommeil de l’enfance ne l’avait point encore abandonnée. En complotant une dixième fois son expédition nocturne, elle s’endormit.

Cependant sa préoccupation, qui persistait au milieu de son sommeil, finit par le rompre. Elle s’éveille tout inquiète. Il faisait nuit noire ; Clarisse dormait ; quelle heure pouvait-il être ? N’avait-elle pas dormi trop longtemps ? Avec mille précautions, elle se leva et marcha jusqu’à la fenêtre. Le ciel étincelait d’étoiles ; de toutes parts, le silence régnait. La jeune fille s’habilla sans lumière et descendit à tâtons. Dans la cuisine, elle prit une lanterne, traversa le corridor à pas furtifs, se rendit à la petite chambre, prit le pain, sortit par la fenêtre et fit le tour des bâtiments. Avec Gène, elle eût ri dans cette expédition ; seule, elle avait le cœur transi d’inquiétude. Oh ! si quelqu’un me voyait, se disait-elle, que penserait-on ? Elle couvrit sa lanterne de son châle.

Comme on l’a dit, la porte de la grange donnait sur le chemin, parallèlement à la barrière. C’était une grande