— Ah ! mam’zelle Lucie, quand pourrai-je donc, moi aussi, faire quelque chose pour vous ?
— La reconnaissance vous pèse ? dit-elle.
— Oui, elle m’étouffe presque le cœur, et ça me soulagerait un peu, si je pouvais vous rendre service. Dites-moi donc, mam’zelle Lucie, comment ça se pourrait.
— Je n’en sais rien tout à l’heure ; mais, si j’avais besoin d’un ami dévoué, je m’adresserais à vous.
— Ah ! bien merci ! s’écria-t-il d’un accent de triomphe et de bonheur indicibles ; à présent, je suis heureux !
— Ne parlez pas si haut, Michel.
— Non, c’est vrai ! mais croyez-vous que je pense aux gendarmes, quand vous êtes là ?
— Je m’en vais, dit-elle.
— Ah ! déjà ?
— Oui, l’on pourrait venir me chercher, il est tard et nous ne sommes pas prudents de causer ainsi. Vous cacherez l’assiette et le verre sous le banc, Michel ; puis, pour aller dans la grange, vous ferez le tour par la prée, de peur de rencontrer mon père dans la cour. Avant de descendre dans le chemin, prenez bien garde qu’il n’y ait personne. Les Touron, vous savez, sont si curieux ! Est-ce fâcheux que la porte de la grange donne sur le chemin ! Il y a bien une entrée par l’écurie ; mais, depuis si longtemps que nous n’avons ni vache, ni cheval, on a condamné la porte, et la meule de foin empêche d’ouvrir.
— Je prendrai garde, mam’zelle Lucie. Et savez-vous si Cadet et Jean ?…
— Lucie ! appela dans la cour la grosse voix de M. Bertin.
La jeune fille, émue de crainte, courut aussitôt vers son père.
— Eh bien ! as-tu assez d’air comme cela ? Voici neuf heures et demie. Clarisse veut se coucher.