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veloppé de dentelles et de soie, sera choyé par toute la famille, adoré, vanté, et son père, en le regardant, aura sur les lèvres un sourire d’amour. Ah ! le misérable ! s’écriait-elle mentalement, et des battements généreux et passionnés agitaient son cœur. Elle eût voulu quitter cette chambre et cette conversation pour aller retrouver Michel. Elle sentait bien ce désir, et ne le trouvait ni dangereux ni étrange. Il avait, lui, un sentiment si humain, si profond, si pur de la justice !

Elle écoutait les bruits du dehors, et regardait souvent la pendule. Il faisait nuit depuis une heure. Assurément Michel était au jardin.

Elle se leva.

— Où vas-tu donc, Lucie ?

— Prendre un peu l’air, maman. J’ai mal à la tête.

— Quoi ! te promener si tard ?

— Eh ! laisse-la faire ce qu’elle veut, dit M. Bertin.

Lucie courut au bosquet. Aussitôt une ombre se détacha d’un coin obscur, et la voix de Michel murmura :

— C’est moi !

— Vous n’avez rencontré personne ?

— Personne, mam’zelle Lucie. J’aurais bien voulu aller chez ma mère, qui doit être inquiète de moi ; mais j’ai eu peur d’y trouver quelque voisine, ou peut-être un gendarme.

— Votre mère est prévenue, Michel ; je l’ai vue ce soir.

— Ah ! merci, mam’zelle Lucie.

— Je ne sais pas si les gendarmes sont encore ici ; je sais qu’ils ont battu la campagne tout le jour. Vous devez avoir grand’faim, je vais vous donner quelque chose à manger.

Elle avait apporté une assiette, un gros morceau de pain, des haricots, du fromage, plus une demi-bouteille de piquette.