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— Savez-vous, mam’zelle Lucie, que vous êtes devenue bien rouge tout à l’heure ? Si Mme Bertin vous avait regardée, elle se serait méfiée de quelque chose.

— Et toi ! qui ne lui as pas même dit bonjour.

— Non ! j’ai eu trop peur. Et voyez mes mains pleines de piqûres d’orties. A-t-on de la peine pour faire un peu de bien ! Mais il faut à présent que je m’en aille tout de suite.

Elles s’embrassèrent en se quittant, fort agitées l’une et l’autre, mais goûtant la satisfaction intime d’une aventure couronnée de succès.

De tous les jeux de l’enfance, le plus émouvant et le plus joli, n’est-ce pas le jeu de cache-cache ? Et plus tard, au sein des monotonies de la vie sérieuse, quel bonheur n’éprouvons-nous pas d’avoir à ourdir quelque trame, à déjouer quelque danger, à porter à travers la foule, caché sous notre manteau, un complot fragile qui plus tard doit éclore ! Que de conspirateurs jetés dans la vie politique par le besoin seul d’une agitation secrète ! comme il y paraît bien ! C’est que l’amour du mystère est le plus puissant amour de l’humanité.

— On ne sait pas ce que tu deviens, Lucie, dit Mme Bertin à sa fille. Tu prends les affaires des autres un peu trop à cœur. As-tu porté l’enfant aux Èves ?

— Non, maman, je l’ai remis à sa sœur, la pauvre Lisa, qui est en ce moment chez la mère Françoise.

— Comment ! tu as pu te décider à te rencontrer face à face avec cette indigne créature ? Voilà ce que je ne comprends pas. Tu ne te respectes pas assez, Lucie, oui, c’est ton défaut. Une jeune demoiselle ne doit pas se compromettre en mauvaise compagnie. Bon ! voici maintenant la Mourillon qui vient chercher son petit. Nous avons l’air de faire cause commune avec ces gens-là.