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ment allons-nous faire, ma pauvre Gène, pour nourrir trois hommes à nous deux ?

— Si je n’étais pas si loin de chez nous, je trouverais le moyen, mam’zelle Lucie. J’ai la clef de l’armoire, et mon père, quand même je lui en parlerais, ne me démentirait pas.

— Moi, je n’ose en rien dire à mes parents, dit Lucie, car je suis sûre qu’ils s’opposeraient… Et à présent que j’y songe, en vérité, Gène, peut-être ai-je mal fait. Mais quand j’ai vu Michel si résolu à se défendre contre les gendarmes…

— Ah ! mam’zelle Lucie, vous avez fait une bonne action. Ne vous en repentez pas. J’ai pensé à ça tout de suite, moi qui le connais, et c’est ce qui m’a portée à… Gène fondit en larmes. — Suis-je bête de pleurer, à présent ? Mais ça n’est pas fini ! Et comment ça finira-t-il ? Enfin, songeons au plus pressé. Voyons, faut acheter un pain.

Lucie rougit beaucoup.

— Je n’ai pas d’argent sur moi, dit-elle, et… je n’ose en demander à ma mère.

— Je n’en ai pas non plus, mam’zelle Lucie. Mais chez le boulanger on me donnera bien un pain de quatre livres à crédit. Je ferai semblant que c’est pour chez nous, et puis je reviendrai, comme tout en causant, jusque par ici.

— Mais comment porter le pain cette nuit au bois des Fouillarges ?

— Ça n’est pas très-loin, mam’zelle Lucie ; mais, de vrai, c’est trop loin pour vous. J’ai songé à tout ça, et j’ai dit à Cadet de venir ici entre minuit et une heure. Les gendarmes ne passeront pas la nuit dehors apparemment.

Elles allèrent dans le bourg chercher le pain ; après