Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/238

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ne t’afflige donc pas d’une interprétation hasardée, ridicule, si tu veux. Je vais partir. Viens ; pendant mon absence tu veilleras soigneusement à ce que les commérages du bourg n’entrent pas chez nous.

La voix de Mme Bourdon s’éleva encore, plaintive et fâchée ; mais les mots qu’elle disait se perdirent dans l’éloignement.

Quand ils se retrouvèrent seuls au milieu du silence, les deux jeunes gens, oppressés tous deux, respirèrent profondément. Ensuite, ils se regardèrent :

— Ah ! Michel, c’est affreux ! dit Lucie à demi-voix. Ils pardonneront à M. Gavel. Que je plains Aurélie ! Mais c’est la faute de Mme Bourdon ; mon oncle est meilleur.

— Oui, mais pas beaucoup, répliqua Michel. Quand elle a eu parlé de tout ce qu’ils allaient perdre en rompant le mariage, avez-vous remarqué ? il n’a presque plus rien dit. Ces idées-là ne lui seraient pas venues tout de suite ; mais elles lui seraient venues tout de même, allez. Je veux bien qu’il ait du cœur, mais c’est pas ça qui le mène. Ah ! si ce n’était vous, mam’zelle Lucie ?…

— Eh bien, dit-elle, si ce n’était moi ?…

Il baissa la tête en rougissant :

— C’était pour dire que je serais plus content d’être paysan que monsieur.

Mlle Bertin sembla réfléchir un instant, puis elle rougit, et, se disposant à sortir, elle dit : — À ce soir, Michel. Mais comme elle s’élançait dehors, une exclamation de douleur lui échappa, et comme une branche souple, un instant écartée, revient à sa position première, elle se retrouva aussitôt près de Michel. Une ronce, mêlée au chèvrefeuille, retenait ses cheveux.

Elle entreprit vainement de s’en défaire, et Michel dut venir à son aide. Mais grâce aux efforts même, de Lucie, la ronce et les cheveux s’étaient entortillés au point que