— Il m’eût payé dans trois ans d’ici. Dans trois ans, grâce aux travaux de ces dernières années et à ces avances faites, dont il doit la moitié, Mourillon doit quadrupler ses récoltes.
— Tant pis pour lui ! Dès qu’on lui remet une partie de sa dette, d’ailleurs, il n’a pas à se plaindre. Ce sera la rançon trop chère de sa misérable fille. À ce prix encore, il éloigne son fils, l’insolent Cadet, et renvoie Jean, cette bête féroce. Lisa ira demeurer avec sa sœur aînée, qui se marie dans quinze jours avec Louis Vigeaud, du moulin de la Roche. C’est à près d’une lieue d’ici. Plus tard, enfin, grâce au reste de la créance, on peut se débarrasser de la famille tout entière.
— Le plan est habile, mais peu généreux, observa M. Bourdon.
— Je te le donne pour ce qu’il vaut, mon ami, répondit-elle avec une douceur angélique. Trouves-en un meilleur !
— Tiens, laissons cela, s’écria-t-il en se levant. Mon premier mouvement était bon ; mais déjà tu as trouvé moyen de l’éteindre. Ah ! Zéline ! les femmes sont toutes les mêmes. Tu es affolée de ce mariage, parce que ton ambition la plus chère est d’établir ta fille à Poitiers, dans ta ville natale, et d’y régner dans sa maison. Eh ! ne t’afflige pas ! Je sais que tu aimes ta fille et que tu es de bonne foi dans tout cela. Enfin, je ferai ce que tu désires ; j’irai à Gonesse, je réfléchirai sérieusement en chemin à ce que je dois faire, et j’entendrai Gavel.
— Fais ce que tu voudras, répondit-elle en pleurant. Ton injustice m’est trop sensible pour que je veuille dire un mot de plus à ce sujet.
— Allons ! allons ! dit M. Bourdon, — et l’on entendit le bruit d’un baiser conjugal, — tu sais combien je t’estime ; tu sais qu’au fond nous nous entendons toujours,