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retrouvera-t-elle jamais les avantages de position et de fortune que lui offrait son union avec M. Gavel. Enfin, dans cette rupture tout nous accable et nous perd ! Du même coup, voici remis en question l’avenir d’Émile ; car évidemment l’oncle de M. Gavel, qui nous a promis la place d’auditeur au conseil d’État, retirera sa parole. Et tu perds également pour ta candidature à la députation l’appui du sous-préfet.

— Tout cela est vrai ! tout cela est vrai ! dit M. Bourdon agité. Mais tout cela n’est pas un motif suffisant pour sacrifier ma fille à un libertin.

— Non, certes ! c’est seulement un motif pour te rendre à la prière de M. Gavel et pour écouter sa justification. On ne peut d’ailleurs le condamner sans l’entendre, sur les accusations d’un paysan. À ta place, je partirais donc pour Gonesse. Nous avons un intérêt trop grave dans cette affaire des Mourillon pour ne pas chercher à l’arranger, s’il est possible.

— L’arranger ! et comment ? Pour que je pusse consentir à m’immiscer dans les affaires de M. Gavel, il faudrait qu’il fût excusable, ce que je nie. Et même alors, songes-y bien, les Mourillon sont nos métayers pour quatre ans encore ; or, entre M. Gavel et la famille Mourillon, il y a eu des injures si graves d’échangées, que tout contact ultérieur entre eux serait inacceptable, impossible !

— Je le reconnais. Mais, dis-moi, Mourillon ne te doit-il pas une somme assez forte ?

— Je le crois bien ! dix-huit cents francs !

— Alors, voilà qui est bien malaisé ! reprit Mme Bourdon, d’une voix ironique et charmante qui, d’après son inflexion, devait passer par un sourire. Tu fais une remise de moitié à ce pauvre homme, ce qui l’apaise. Il ne t’eût jamais payé d’ailleurs ?