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sation, en même temps que de blanches oies, toujours malveillantes pour l’étranger, venaient, les ailes déployées et le cou tendu, siffler à leurs talons. Un petit garçon, qui sortait d’une étable, rentra bien vite en les apercevant ; au seuil de la maison, deux petites filles les regardaient venir d’un air hébété.

— Le dîner est-il prêt, Suzon ? demanda M. Bourdon à l’aînée, âgée de sept à huit ans.

Elle ne répondit point, et tout à coup se mit à rire en se cachant le visage dans son tablier.

L’autre, plus petite, avait envie de pleurer. On l’eût dite fascinée par l’aspect des étrangers, car ses yeux effarés, obstinément attachés sur eux, s’emplissaient de larmes.

La mère accourut, un marmot dans ses bras.

— Entrez donc, messieurs, v’là le dîner prêt. Faut excuser les petites : elles vous connaissent ben, monsieur Bourdon, mais elles n’ont jamais vu tant de monde d’un coup.

Passant devant eux, elle les introduisit dans la chambre, où, débarrassant l’une après l’autre chacune des quatre chaises qu’elle possédait, elle les jeta d’un bras vigoureux aux jambes des messieurs. Quant aux paysans, ils se placèrent sur les bancs qui, de chaque côté, flanquaient la table. Le marmot, cramponné des deux mains au fichu de sa mère, grondait sourdement.

Cette chambre, éclairée par une fenêtre de trois pieds carrés, divisée en petits carreaux, recevait aussi du jour par la porte constamment ouverte. Le plancher de terre battue, creux par endroits, à d’autres était percé de pierres. Côte à côte on voyait deux lits à colonnes, garnis de serge verte bordée de jaune ; un vieux bahut, la longue table de chêne bruni avec ses bancs parallèles, un beau buffet luisant de cerisier ciré, surmonté d’une étagère où des assiettes inclinées étalaient orgueilleusement leurs feuil-