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il y avait un immense verger d’arbres en plein vent, noyers, pommiers, cerisiers, pruniers, qui déjà la plupart blanchissaient le gazon de leurs fleurs tombées. Parallèlement au mur du jardin s’allongeait une vieille allée de charmille, seule barrière autrefois qui séparât le jardin du verger. Mais depuis qu’un mur, coupé de claires-voies, avait été construit là par M. Bourdon, il était devenu indispensable de pratiquer des percées dans la charmille, vis-à-vis des percées du mur, et c’était là que travaillait Michel. — Car, les semailles étant faites, M. Bourdon et son métayer diminuaient d’un commun accord, par le prix de quelques journées, l’énorme dette contractée par Mourillon vis-à-vis de son maître.

Assidu à son travail, Michel ne vit pas arriver Mlle Bertin ; aussi, quand il entendit sa voix, ne put-il retenir un cri, et son trouble fut si manifeste, que Lucie rougit aussi. À peine elle pouvait parler, tant elle était haletante. Ses premiers mots furent : — Il faut vous cacher ! les gendarmes vous cherchent ! Michel, qu’avez-vous donc fait ?

Il répondit étonné :

— Rien que d’empêcher un coquin d’avoir la tête fendue. Est-ce bien moi qu’on cherche, mam’zelle Lucie ? Est-ce pas plutôt Cadet et Jean ? Tenez, je cours les avertir.

— Ils sont avertis. Michel, croyez-moi, ne faites pas d’imprudence. Vous étiez avec les autres ; vous avez été désigné. Vite ! ramassons votre blouse et votre cognée, et passons derrière la charmille. Nous y causerons avec plus de sûreté.

Lucie, tout en disant cela, ramassait elle-même la blouse, soulevait la cognée, et montrait le chemin à Michel, qui, très-ému, la suivit ; et quand ils furent tous les deux abrités par le rideau de feuilles encore sèches, mais touffues :