— Le châtiment sera digne de l’offense ! articula Gavel que la colère étouffait.
— La, la ! comme vous tremblez ! Faut pas vous rendre malade, au moins ! Un coup de fouet, c’est pas un coup d’épée ! Eh ! grand diable ! vous saignez à l’épaule. Qu’est-ce que c’est donc ?
— Quand je vous dis qu’on a voulu m’assassiner !
— Ça se peut-il ? Allons ! allons ! ça serait par chez nous une vilaine affaire. Est-ce que vous penseriez m’appeler comme témoin ? J’ai rien vu, moi, d’abord ! Allons, monsieur, venez à la maison, on vous pansera.
Mais Gavel ne ressentait autre chose qu’une colère effrénée. Après avoir conduit son cheval chez Voison, et après qu’on eut attelé à son élégante voilure une lourde jument de charrette, il monta, prit les rênes, fouetta vigoureusement et partit.
Qu’allait-il faire maintenant ? Si je porte plainte au juge de paix, se disait-il, j’entame un procès scandaleux, et mon mariage est rompu. En outre, mon crédit baisse, et je ne puis prétendre après cela qu’à des partis de second ordre. — Mais, dans son cœur, il n’y avait qu’un désir : vengeance ! dans sa tête, qu’une volonté : vengeance ! et dans ses oreilles, ce mot de vengeance bourdonnait en battements sourds. Pour se venger pleinement, il eût donné tous les mariages de la terre et bien autre chose. Cet homme-là n’avait d’autre joie morale que l’orgueil ; on lui avait pris son unique bien ; pouvait-il ne pas être irrité au delà de toute mesure ?
Tantôt stimulant le trot nonchalant de son nouveau coursier, tantôt s’absorbant dans une rêverie profonde, il roulait dans sa tête les projets les plus implacables ; il fallait que Jean et le jeune Mourillon fussent condamnés aux travaux forcés ; que cette famille fût écrasée, réduite à la dernière misère. Il les verrait à genoux l’implorer en