Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/213

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— Rends-moi ma cognée ! s’écria Jean qui courut après lui.

— Puisque tu veux te reposer…

— Rends-moi ma cognée ! répéta le gars rouge de colère, en saisissant le bras de Michel.

— Pourquoi me parles-tu comme ça ? répondit celui-ci d’une voix amicale ; me semblait, Jean, que nous étions amis.

— Oui, nous sommes amis ; rends-moi ma cognée !

— Puisque nous sommes amis, ne te la rendrai point, Jean ; non ! quand même tu voudrais me battre, parce que moi ne t’enverrais point aux galères, tandis qu’avec le Gavel, tu irais tout droit.

Cadet, ne se voyant pas suivi, était revenu sur ses pas ; il se joignit à Michel pour calmer et persuader Jean. Le bruit de la voiture devenait plus distinct ; Jean, tout à coup, mit ses doigts dans ses oreilles et s’enfuit. Les autres le suivirent jusqu’à l’endroit où ils travaillaient, et là ils ne le trouvèrent pas ; mais tranquilles cependant, parce qu’ils avaient sa cognée, ils se remirent à l’ouvrage. Quelques instants après, Jean revint auprès d’eux, prit son outil et se mit à travailler aussi ; Michel observait ses mouvements avec inquiétude, mais il se rassura en voyant que Jean avait pleuré. On n’entendait plus autour d’eux que le bruit retentissant du fer entamant le bois, et Cadet même y allait d’une telle force que le chêne qu’il frappait craqua tout à coup, et, traversant l’air avec un grand sifflement, vint s’abattre tout près de Jean et de Michel, qui se reculèrent en hâte. Ils contemplaient tous trois le jeune arbre tombé, dont les ramuscules brisés jonchaient le sol, quand non loin d’eux, en haut du bois, retentit dans le silence le hennissement sonore du beau cheval Gemma.

Jean y répondit par un rugissement terrible, et,