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durant cette longue matinée, avaient irrité ses nerfs jusqu’à la douleur. Maintenant, enfin ! il pouvait laisser éclater sur son visage toute sa colère et tout son dépit ! Me laisser prendre ainsi au piége le plus grossier ! s’écriait-il en lui-même. Être couvert de ridicule par une aventure si vulgaire ! me faire chasser comme un écolier polisson ! car M. Bourdon ne pardonnera pas cet outrage à sa fille. Il sait où il doit prendre ses maîtresses, lui ! et jamais elles ne passeront le seuil de sa maison. Certes, il a raison ; il sait se conduire : garder les convenances est le premier devoir d’un homme d’esprit ; au diable cette folie qui m’emporte toujours malgré moi ! Et quelle fatalité que cette perle de beauté paysanne se soit trouvée là, au seuil de mon mariage, pour m’en défendre l’entrée !

Après tout, pensa-t-il, ce n’est pas le paradis terrestre, et il y a d’autres héritières dans le département.

Il lui vint à l’idée qu’il ferait mieux peut-être de rompre le premier, sans attendre un congé humiliant.

Pourtant, s’ils étaient raisonnables, M. et Mme Bourdon renverraient simplement leurs métayers, et tout serait dit.

Ces gens oseraient-ils l’attaquer en justice ? Il avait laissé une bourse pleine aux mains de Lisa ; mais cette bourse ne portait aucun chiffre. Sur quelle base d’ailleurs élever un pareil procès ? Lisa était fort mineure ; mais la loi ne punit que l’enlèvement, non la séduction.

Oui, tout le mal de la situation est dans son ridicule ; certaines gens même y trouveraient de l’odieux vis-à-vis de la famille Bourdon. Mais, dans ce dernier rendez-vous, Gavel n’a péché que par générosité, pour venir de ses conseils et de sa bourse au secours de Lisa, selon la promesse qu’il avait faite dans la prairie des bords du Clain. On est toujours victime de ses bons mouvements. Se plaçant mentalement en face de Mme Bourdon, Gavel con-