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Cadet et Jean, je te promets de les prêcher de mon mieux ; compte que d’ici à ce soir leur sang se tiédira. Aie courage, ma pauvre fille ! Pour quant à Louis Vigeaud, il sait ben qu’il ne trouverait pas dans tout Chavagny une fille plus honnête et plus sage que toi.

Il alla dans la grange chercher Jean et Cadet, et bientôt la famille fut réunie autour de la table. Mourillon gardait toujours la même attitude.

— Bourgeois, dit Michel, est-ce que nous allons faire les pommes de terre ?

Mourillon d’abord ne répondit pas ; mais au bout d’un instant, découvrant sa figure livide et prenant machinalement sa cuiller :

— Non ! les enfants, dit-il ; faut aller au bois des Berjottes éclaircir la futaie. Vous abattrez les arbres marqués d’une entaille, vous savez ? et prenez garde à pas vous tromper.

— Venez-vous point avec nous, bourgeois ?

— Non, répondit-il sourdement.

— Est-ce que nous avons pas quelque chose à faire ensemble, père ? demanda Cadet.

— Non, répondit Mourillon.

— Comme ça, il y a donc rien de plus que les autres jours, qu’on se met ainsi doucement à l’ouvrage ? Y a-t-il donc plus à c’te heure ni bon Dieu ni justice ?

— Non ! répondit encore Mourillon de la même voix sourde.

— Ah ! Seigneur ! s’écria sa femme, disons pas de mal, mon homme, parce que la peine est chez nous. Vous savez ben tous qu’il y a-t-un bon Dieu, mais pas sur la terre.

— Personne ici, dit Michel, n’a plus de peine que Mourillon ; et à cause de ça et à cause qu’il est un homme d’âge, nous devons faire à son idée. Prenons nos cognées,