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paille) retentit un nouveau cri de douleur, avec de terribles imprécations.

— Michel ! au nom de Dieu ! s’écria Marie, laisse, le vilain ! viens empêcher mon père de tuer Lisa.

En deux bonds, ils atteignirent les paillés. C’était horrible à voir ! Un homme furieux, frappant à coups retentissants une créature gémissante, pelotonnée à terre, et qui criait : — Vous tuez mon enfant !

Marie se précipita sur sa sœur pour la couvrir de son corps. Michel saisit le bras de Mourillon et lutta contre lui.

Il criait en même temps : — Vous êtes fou, Mourillon, c’est pas vot’ fille qu’il faut tuer, c’est le Gavel. Venez ! courons après !

À la fin, il le terrassa. — Marie ! — Elle vint près de lui. — Conduis ta sœur au fond de l’ouche[1], lui dit-il tout bas ; et attendez-moi là toutes deux. J’emmènerai Lisa chez nous.

Quand elles furent parties, il lâcha Mourillon. Mais au transport de la colère avait succédé chez le fermier une prostration hébétée. Il se tourna la face contre terre agité de mouvements convulsifs, et poussant par intervalles de longs gémissements.

Michel s’assit près de lui :

— Vous avez ben de la peine, bourgeois ! oui ! c’est une rude secouée, celle-là ! Un homme comme vous, qui n’a jamais donné que de bons exemples, c’est dur de se voir comme ça trahi par son enfant ! Tout de même, faut considérer qu’elle est ben jeune ; elle ne savait guère tant seulement, la pauvre innocente ! ce qu’elle faisait. Quand un homme d’éducation cherche à mettre à mal une jeunesse, voyez-vous, ça ne lui est pas difficile, et tout le péché en est à lui.

  1. Enclos attenant à la maison.