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nuit douce et tiède, qu’embaumaient les parfums des vergers voisins.

— C’est à vous, mam’zelle Lucie, dit Michel. Elle s’élança vers Gène qui s’avançait pour la chaîne des dames, et serra la main de son amie en lui souriant. Mais Gène resta sérieuse et froide.

Ce muet reproche saisit le cœur de Lucie. Gène était triste ; elle boudait son amie : Gène était donc jalouse, elle comprenait donc aussi… La jeune fille rougit de honte.

— Pourtant, qu’y puis-je faire ? se dit-elle avec un peu d’humeur.

En se retournant, elle surprit le regard de Michel attaché sur elle, regard si tendre et si triste qu’il acheva de fondre le cœur de Lucie. Quoi ! Gène avait du chagrin ! Michel souffrait d’un fol amour ! Et Lucie, elle, pouvait jouer avec tout cela ? Elle fut tout à coup si mécontente d’elle-même et de tout le monde, que des larmes lui en vinrent aux yeux.

Et quand, revenue à sa place, Michel, d’une voix douce, lui demanda : Qu’avez-vous ? elle faillit même ne pouvoir les empêcher de couler. Oh ! que de tendresse n’y avait-il pas dans cette clairvoyance ! Plus attentif qu’une mère, il voyait donc à travers les plis de son front ! à travers ses paupières baissées ! Personne jamais ne l’avait aimée ainsi ! Émue de reconnaissance, et ne sachant que lui dire, comme, en figurant, sa main se trouvait encore unie à celle de Michel, elle répondit par une légère étreinte. Mais elle regretta presque aussitôt d’avoir fait cela, et leva les yeux sur Michel pour corriger d’un sourire l’effet de cette étourderie. Il était pâle comme quelqu’un qui vient d’éprouver un grand saisissement. Le cœur de Lucie battit avec violence. En même temps qu’elle s’avoua que le plus grand des bonheurs était d’être aimée, elle dut se