était au bal avec sa sœur Marie, saisissait-il à chaque contredanse la main de Gène ; en vain, pendant les intervalles, appuyé sur le dossier de sa chaise, dépensait-il pour elle tout l’esprit de village qu’il possédait, elle ne souriait que par complaisance, et, malgré ses efforts, elle laissait percer de l’impatience et du dépit. Cadet n’était point assez malin pour en deviner la cause, car pas une seule fois les yeux de Gène ne s’arrêtèrent sur Michel.
Plus naïve, la Martine, au contraire, ne détachait pas de celui qu’elle aimait un regard doux, triste et fidèle, comme celui qu’attache sur son maître un chien disgracié. Michel, à la fin, surprit ce regard, et, s’arrachant à ses rêves, il vint prendre la main de la Martine, qui l’accueillit avec un sourire de béatitude. Mais, si ingrate enveloppe était celle de la pauvre fille, que pendant toute la contredanse à peine répondit-elle par monosyllabes aux paroles que lui adressait Michel.
Ils figuraient en face de Lucie et de Jules.
— Voudrez-vous danser avec moi la prochaine contredanse, mam’zelle Lucie ? murmura Michel au balancé.
— Volontiers ! répondit-elle d’un air indifférent.
Pouvait-elle négliger l’occasion d’être un peu coquette ? Non, elle ne voulait pas éloigner d’elle cet amour avant de l’avoir étudié, compris et savouré. Comment d’ailleurs s’y serait-elle prise pour l’éteindre ? On sait bien qu’il est impossible de dire effrontément à un amant timide : Vous m’aimez en vain ! Peut-être, il est vrai, à force de dédain et de sécheresse, pourrait-on se faire comprendre. Mais, quand on est bonne et polie, comment soutenir un pareil rôle ? On ne l’essaye même pas.
Ils dansèrent donc une seconde fois ensemble. La chaleur dans la salle était devenue si forte, que l’on dut ouvrir la fenêtre. Placée tout auprès, Lucie recevait l’air frais sur ses épaules humides, et cependant, malgré l’in-