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chise. Quant à son langage, eh bien, c’était le langage du pays. Dans la bouche de Michel, il n’y avait rien de grossier, et Lucie, dont il frappait l’oreille depuis sa naissance, y faisait à peine attention.

— Émile, du moins… Oh ! c’est un bon garçon ! Mais il a pris de l’affectation à la ville, même un peu de fatuité. Il est bien plus instruit que Michel ; pourtant il ne saurait pas s’exprimer avec cette vérité, cette chaleur… C’est qu’il ne sent pas aussi vivement.

Elle s’éveilla tout à coup en se disant : Mais je suis folle ! et se remit à causer avec son cousin et sa sœur.

Clarisse était heureuse d’être au bal ; mais elle jouait la nonchalance, car il était au-dessous d’elle de s’amuser à un bal de paysans. Cependant, en attendant sa tante et sa cousine, elle ne se reposait guère, sachant bien qu’en leur compagnie elle devrait pousser le dédain jusqu’à s’abstenir. Ses yeux s’étaient animés, ses joues s’étaient colorées et sa poitrine respirait plus à l’aise. Sa mère la regardait en rêvant avec un sourire, filant peut-être in petto quelque roman dont Clarisse était l’héroïne.

À neuf heures, eut lieu l’entrée de M. et de Mme Bourdon. Au grand désappointement du public, ils n’étaient pas accompagnés de M. Gavel.

Mme Bourdon répondit à ce sujet aux doléances de la Perronneau que M. Gavel était souffrant d’une migraine, et que, même avant leur départ, il s’était retiré dans sa chambre.

M. Bourdon alors offrit la main à la mairesse, pour danser une contredanse. Aurélie accepta l’invitation de Sylvestre, et le bal devint solennel, au point qu’on n’osa plus rire.

Deux figures devenaient de plus en plus tristes : c’étaient celles de Gène Bernuchon et de la fille à Martin. Michel n’avait dansé qu’avec Lucie. En vain Cadet Mourillon, qui