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pondit l’autre ; il serait bien étrange de supposer qu’il pût y avoir le moindre inconvénient.

En ce moment, Lucie, haletante, les lèvres entr’ouvertes et les yeux humides, regagnait sa place, conduite par Michel. Il pressa doucement la main de la jeune fille.

— Merci, mam’zelle Lucie ! Merci de tout mon cœur ! Et ce cœur éclatait si bien sur son visage que, troublée, elle ne trouva rien à lui répondre, absolument comme si Michel eût eu des gants blancs, un langage de rhétoricien et l’habit noir.

Elle aussi, d’ailleurs, elle subissait l’enivrement de la fête. Mais surtout elle se sentait depuis une heure dans un milieu nouveau plus vivant et plus large, où ses facultés, resserrées jusqu’alors, s’épanouissaient tout d’un coup. L’amour venait d’entrer dans sa vie, et, bien qu’elle ne pût l’accueillir, n’était-ce pas déjà un soin intéressant et grave que d’avoir à le repousser ?

Malgré le souvenir de Mlle de Parmaillan, Émile ne put s’empêcher de trouver que sa cousine était bien jolie. Jamais encore il ne lui avait vu ce regard vif, ce geste animé, cette parole prompte, cette grâce exquise. Il fit le courtisan auprès d’elle, et elle recevait son hommage d’un petit air de reine.

Mais en même temps, à travers le voile de ses cils abaissés, elle regardait Michel qui, à l’autre bout de la chambre, en face, la contemplait comme un idolâtre. Il était accoudé sur le lit, le front dans sa main. Il y avait dans son attitude je ne sais quelle force et quelle noblesse. Un moment, Sylvestre vint près de lui. Quelle différence entre eux à l’avantage de Michel ! malgré l’habit, malgré l’instruction que le jeune Perronneau avait reçue. Même cette comparaison la révolta. Sylvestre était gauche, prétentieux, ridicule. Michel avait une simplicité parfaite, c’est-à-dire la grâce du naturel et la dignité de la fran-