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toutes parts des girandoles, et remplit l’atmosphère de ses émanations. C’est qu’il y avait à cette fête le plus vrai, le plus grand, le plus enivrant luxe de la terre, la jeunesse, non-seulement la jeunesse des ans, mais la naïveté des âmes, que possédaient, outre les jeunes, tous les vieux qui étaient là.

Après deux ou trois contredanses, l’orchestre se mit à jouer un bal. C’est une danse du pays.

L’homme et la femme, se tenant par les mains, balancent au son d’une musique à mesure très-marquée ; puis ils se séparent, se suivent, se fuient sans se perdre, tantôt balançant, tantôt pirouettant : après s’être rejoints, ils font des passes très-gracieuses et très-vives, la danseuse courant sous le bras du danseur comme sous un cerceau. On se sépare de nouveau, et la danse continue, jusqu’à extinction d’haleine, entre vingt ou trente couples qui se croisent et s’entrelacent à la fois.

Quoique très-jolie, cette danse est déjà presque abandonnée par les élégants du village, comme trop rustique. Peut-être la mazurka l’a-t-elle déjà remplacée ? car le chemin de fer passe maintenant à une lieue de Chavagny. Tout marche, de tous les points de la terre, vers l’unité de la famille humaine ; mais ce que les hommes s’empressent d’abord d’échanger, ce sont leurs sottises et leurs travers.

— Est-ce que ça pourrait vous faire plaisir de danser un bal, mam’zelle Lucie ? demanda Michel d’une voix timide.

Elle sentit une rougeur monter à ses joues, et, se levant tout de suite, sans répondre, elle lui donna la main. À travers son gant, elle s’aperçut que la main de Michel tremblait en tenant la sienne. Une vive émotion la saisit. Depuis plus d’une heure qu’immobile dans un coin de la salle, il s’oubliait à la regarder, elle avait compris enfin