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— Et puis l’habitude ! Il semble vraiment impossible de manger ailleurs que dans l’argent.

— Ma foi, mesdames, dit la Perronnelle, impatientée de ce colloque, où elle n’avait rien à dire, bien que tout cela se dît pour elle, m’avait semblé que vous trouviez bon tout de même, la dernière fois que vous êtes venues chez moi manger de mon cochon gras. Mais je suis ben aise à c’te heure de savoir ce qu’il vous faut. On vous le donnera.

— Comment cela, Mme Perronneau ?

— Adonc, quand vous reviendrez dîner chez nous, vous aurez des couverts d’argent.

— Y pensez-vous, madame Perronneau ? s’écria la Boc un peu déconcertée ; c’est une dépense de plusieurs cents francs.

— Bon ! bon ! on la fera. S’il ne faut que ça pour vous contenter, c’est pas difficile.

Et se levant sur ce mot d’un air dégagé, la Perronnelle laissa ses interlocutrices fort mortifiées.

— Oh ! ces paysans riches ! souffla haineusement la vieille fille à l’oreille de Mme Bertin.

— Orgueil de parvenu, ma chère ! répliqua celle-ci avec un grand soupir.

— Ah ! c’est une triste race ! riposta la Boc. Et des riches passant aux pauvres, elle tomba sur le chapitre de la petite Francille, chez laquelle elle venait de découvrir deux ou trois vices de plus.

Le bal s’animait. À défaut de lustres, les yeux des danseurs étincelaient. Un habitant des villes n’imaginerait guère qu’avec de pareils éléments, trois chandelles, un violon criard, dans une chambre fruste, on pût créer une fête enivrante. Et cependant, cette musique et ces clartés avaient suffi pour remuer au fond de ces âmes simples un idéal confus de choses splendides, qui alluma de