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lard, dans une feuille de chou. La marche était fermée par une foule triomphante d’enfants de tous les âges, les plus petits boitant par derrière, tous glapissant, chantant, hurlant sur différents tons.

Ce fut un sens dessus dessous général. La danse fut désertée ; on entoura le cortége, et on s’élevait sur les épaules les uns des autres pour mieux voir. Le violonneux seul resta sur sa barrique, l’archet en l’air.

— Qui est-elle ?

— Qui est-elle donc celle-là qui a battu son homme ? demandait-on de toutes parts.

— Eh ! ne voyez-vous pas que c’est la Lurette ? puisque c’est le tailleur qui est monté sur l’âne, comme doit faire le plus proche voisin du battu.

— Diable ! faut regarder à ses voisins ; car c’est déjà pas si drôle d’avoir ce plumail par le nez.

— Bah ! le tailleur est toujours content quand il joue pièce à quelqu’un.

— Il ira se débarbouiller le museau, et tout sera dit.

— Non pas, allez, tout ne sera pas dit, car ils feront une belle riole avec les œufs, le beurre et la farine, ce soir.

— M’est avis que Luret doit enrager dans sa peau !

— Et la Lurette, adonc !

L’un des plus rieurs parmi les assistants était le maire, quand M. Berthoud, l’agent voyer, qui ce jour-là se trouvait à Chavagny, fendant la foule en toute hâte, arriva essoufflé près de lui.

— Vous n’y pensez pas, monsieur le maire ! il y a désordre et scandale ! cela rentre dans la loi sur les charivaris. Et vous seriez responsable… Prenez votre écharpe au plus vite, et sommez l’attroupement de se dissiper.

— Bah !… vous croyez ? répondit en se grattant l’oreille le magistrat contrarié.