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jour-là une ambition nourrie depuis longtemps, celle de porter un bracelet comme elle en voyait un à Aurélie. Le père Perronneau n’aimait point ces colifichets. Il disait que de beau bien pousse mieux au soleil que dans l’armoire. Mais sa femme répliquait alors que ce n’était pourtant pas la peine d’être riche, si on ne le montrait pas un peu. Elle et sa fille se paraient donc aux jours de fête ainsi que des châsses ; et comme c’était la mer à boire que de tirer de l’argent de la bourse du maire, Mme Perronneau ou la Perronnelle ne se faisait faute à l’occasion de mesurer en cachette à ses voisins quelques boisseaux de pommes de terre ou même un sac de blé ; car, dans les gros tas qu’il y avait, ça n’y paraissait guère.

Clarisse détourna péniblement la vue du bracelet qui reluisait au bras de Chérie. Lucie l’en complimenta de suite, afin de n’y plus songer ; car, bien qu’elle en eût pris résolûment son parti, elle aimait aussi les jolies choses. Les jeunes messieurs se rapprochèrent des demoiselles, et Chérie (son véritable nom était Pulchérie) se mit à causer avec eux d’un air agaçant, riant aux éclats de tout ce que disaient Émile et Gustave. Quand elle était en toilette, les paysans n’approchaient point d’elle, sachant qu’elle ferait la fière et ne les regarderait pas. Mais les autres jours il y avait moyen de jaser avec la Perronnelle, et même, disait-on, d’aller plus loin qu’avec bien des gardeuses de moutons, dont les oreilles étaient moins patientes.

Pourtant elle attaqua Michel placé tout près de là, et qui regardait plus du côté des demoiselles que du côté de la danse.

— Que fais-tu donc, toi, et pourquoi que tu ne danses pas ?

— C’est que je t’attendais pour ça, répondit-il d’un ton narquois.