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eux. Bientôt le chant complet s’accusa. Il avait quelque chose de sauvage, mais non d’étrange ; les notes fraîches et perlées ruisselaient dans l’air comme une rosée d’avril, et tout dans le rhythme, dans l’accent, dans la mélodie, avait des analogies si profondes avec le caractère doux, large et simple de la nature champêtre, qu’en l’écoutant un poëte eût demandé sans doute si le génie de ces campagnes avait pris une âme et une voix.

Un vague sourire aux lèvres, l’ingénieur écoutait.

— C’est la petite Lisa Mourillon, dit Berthoud.

— Elle, ou sa sœur, objecta M. Gavel d’un air indifférent.

— Oh ! Marie ne chante pas aussi bien, et n’est pas non plus aussi jolie. Quel admirable brin de fille, hein ! que cette Lisa ! L’automne dernier, vous rappelez-vous, monsieur l’ingénieur, comme on était bien là-bas sous les grands chênes, quand elle apportait la collation ? Ma foi, vous mangiez avec autant d’appétit que nous le pain noir, les fruits et le fromage frais. Et cette belle haie creuse que vous appeliez votre cabinet, où la petite Lisa vous avait fait un fauteuil de mousse ! Vous n’en sortiez guère que pour venir de temps en temps diriger nos travaux. Avez-vous gardé ce joli portrait que vous fîtes de la bergère et de ses moutons ?

— Je ne crois pas, monsieur, répondit un peu sèchement l’ingénieur.

On entendait maintenant les paroles de la chanson.

        N’est rien de si charmant
        Que la bergère aux champs :
        Quand elle y voit la pluie,
        Désire le beau temps.
        La voilà, la bergère,
     Comme elle passe son temps.