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— Oui ! oui ! c’est horrible, je vous dis, tromper deux femmes à la fois et abandonner son enfant par-dessus le marché ! Vous voyez bien, mam’zelle Lucie, que ces choses-là doivent se dire quand on les sait.

Ils entendirent en ce moment le grincement particulier que faisait la porte du jardin avant de s’ouvrir. Michel brandit son râteau et se mit vivement à ratisser le carré. C’était Gustave. Il renouvela connaissance avec ce brave Michel, mais en le taquinant fortement sur l’aventure de la veille. Lucie resta pour tout adoucir.

— Mais, dit Gustave, est-ce que tu ne chômes pas aujourd’hui, mon gars, comme tout le monde ? Quoi ! tu es si avaricieux que de venir en journée pendant que tant de belles filles font leur toilette pour la danse !

— Oh ! je compte bien danser, monsieur Gustave, dit Michel.

— Il n’est point en journée, ajouta Lucie, et c’est un service qu’il nous rend.

— Comment ! comment ! s’écria Gustave, mais cela ne peut pas aller ainsi.

— Oh ! dit Michel, c’est une affaire réglée avec mam’zelle Lucie ; faut pas vous occuper de ça.

— Alors, dit Gustave à sa sœur, tu comptes, je pense, lui faire un cadeau.

Michel haussa les épaules.

— Peut-être, répondit Lucie ; en tout cas, je n’éprouverais aucune peine d’être l’obligée de Michel.

Il leva sur elle un regard si plein de reconnaissance et de bonheur, qu’elle en fut profondément touchée. Elle quitta le jardin ; mais, tout en vaquant aux soins domestiques, elle revoyait sans cesse la figure du jeune paysan illuminée par l’indignation. Elle songeait aussi à la mission dont elle s’était chargée auprès de Mme Bourdon, et, bien qu’elle éprouvât à ce sujet beaucoup de malaise et