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l’explication de M. Gavel. Cependant elle appuya sur lui, pendant qu’il parlait, son regard froid et scrutateur ; mais la contenance aimable et dégagée du beau Fernand lui déroba la vérité aussi bien et mieux, peut-être, que n’avait fait le rideau de saules, et ses soupçons hésitèrent.

— En effet, répondit-elle, M. Gorin est furieux ; il est allé, sécher ses habits au moulin. Émile et Gustave regrettent beaucoup de n’avoir pas été là pour s’opposer aux insolences de ce petit Michel.

— À moins d’aller au secours de M. Gorin dans vingt pieds d’eau, répliqua M. Gavel, ils auraient été réduits comme moi au rôle de spectateurs. Tout cela d’ailleurs a été si prompt !

— L’insolent et le grossier, dit Lucie, n’est autre que M. Gorin ; on ne peut reprocher à Michel qu’un peu de vivacité.

— Je suis fort étonnée, ma chère, dit sa tante, que tu applaudisses à ces gens-là quand ils veulent traiter avec nous d’égal à égal.

— Mais, observa M. Gavel, ce garçon-là est des amis de Mlle Lucie, car il est venu s’excuser auprès d’elle seule d’avoir accaparé le bateau. J’ai cru même, poursuivit-il en s’adressant à Lucie, qu’il allait vous proposer de monter avec eux.

La jeune fille se sentit rougir ; elle en éprouva du dépit et répondit vivement :

— Pourquoi cela vous étonnerait-il, monsieur ? Ne comprenez-vous pas qu’on puisse avoir des amis parmi les paysans, aussi bien que parmi les paysannes ?

Cette allusion, à laquelle il était loin de s’attendre de la part de Lucie, déconcerta un instant M. Gavel. Mme Bourdon les regarda tous deux avec surprise. Aurélie se taisait, et les convenances défendaient à sa pensée d’être plus active.