Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

imprécation et demeura un instant immobile ; puis, reprenant tout à coup une nouvelle colère :

— Voyons, dit-il, relevez-vous, regardez-moi. Est-ce vrai ? vous voulez, n’est-ce pas, me couvrir de ridicule et rompre mon mariage ?

— Héla ! non, répondit-elle ; pourquoi le ferais-je ? Sais-je pas bien que nous ne pouvons pas nous marier ensemble ? Pourtant, mon Dieu ! c’est votre enfant que j’ai là !

— Combien te faut-il d’argent ? Ta sœur, probablement, te l’a dit aussi ?

Lisa ne répondit que par un gémissement.

— Écoute, Lisa, je veux te sauver ; je ferai pour toi ce qui est possible ; je te donnerai de l’argent pour quitter le pays et pour élever ton enfant ; je te dirai ce qu’il faudra faire, mais pas ici ; demain, demain soir j’irai te trouver, et nous causerons ; seulement, tais-toi, calme-toi, sois prudente, ou je t’abandonne. Voyons ! calme-toi.

Elle voulait obéir, mais la contrainte même qu’elle cherchait à se faire la crispait et lui arrachait des cris. Cette pauvre enfant, si timide et si douce, était poussée par une force étrangère à sa volonté, et subissait une de ces crises où l’être individuel disparaît sous l’être humain. M. Gavel n’osait la quitter dans cet état, de peur qu’elle ne confiât tout au premier venu ; et cependant, blasé déjà sur de pareilles scènes, il jetait de temps en temps sur Lisa un regard de défiance : — Calme-toi, répétait-il, calme-toi ; attends-moi demain.

— Oui, oui, c’est bon, je suis calme à c’t’heure. Allons, retournez vers mam’zelle Aurélie ; allez, tu peux y aller, je te dis. C’est égal, au moins, faut qu’elle soit folle de prendre un homme comme vous, qui jette ses enfants sur les chemins. Comment est-ce que vous ferez pour aimer ceux de la demoiselle ? seront-ils à vous plus que le mien ?