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temps, Gustave et Jules, qui venaient de replacer les filets, accouraient en disant :

— Eh bien ! montons-nous en bateau ?

— Le chalan (bateau), je sais où il est ! s’écria Frédéric Gorin ; et il se mit à courir à droite, vers le moulin, au fond de la prairie.

Mais en ce même instant, un groupe de paysans, deux jeunes gars et quatre filles, sortaient du moulin et se dirigeaient aussi vers le bateau.

— Flambés ! s’écria Gustave, qui s’en aperçut au moment où Gorin se mettait à courir. En effet, les paysannes étaient assises déjà dans le bateau avec un des hommes, et le second, ayant saisi la longue perche qui sert à voguer sur ces eaux lentes et profondes, poussait l’embarcation au milieu de la rivière quand arriva près d’eux Gorin essoufflé. Déjà, de loin, il leur avait adressé vainement des appels et des signes ; fier de la compagnie des Bourdon, Gorin tenait à se montrer ; aussi cria-t-il grossièrement à l’homme qui tenait la perche :

— Eh ! dis donc, paysan, tu n’as pas vu que le bateau nous allait mieux qu’à toi ?

L’homme à la perche tourna la tête, et attachant sur Gorin de grands yeux noirs où brilla la colère :

— Non, maquignon, répliqua-t-il, n’ai rien vu de bon ni de propre sur ta figure, et tant seulement ne l’ai point regardée.

Les éclats de rire des gens du bateau acclamèrent cette réponse. Gorin cria mille injures ; mais le bateau, poussé par un bras vigoureux et descendant la rivière, fila rapidement.

Bientôt il doubla la pointe de la prairie et vint passer près du bord où se tenaient debout, en causant, Aurélie et Lucie avec M. Gavel. Gustave, Sylvestre et les jeunes Bourdon étaient allés chercher dans les voitures quelques