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— Mon enfant, répondit d’un ton sec Mme Bourdon, c’est ton père qui invitera.

Émile devint tout rouge et regarda par la fenêtre pour se donner une contenance.

— Bon ! s’écria-t-il avec dépit, voilà Frédéric Gorin ! Que diable veut-il que nous fassions de lui ?

— Que nous le recevions poliment, sans doute, répondit Mme Bourdon de ce ton sec, taillé à angle aigu, qui lui était familier. En l’absence de ton père, ce soin, Émile, te regarde surtout.

— Oui, maman. Seulement il aurait bien dû rester avec ses chevaux.

— Je conviens qu’il est fortement encrotté, reprit Mme Bourdon, mais nous ne devons pas oublier, malgré tout, que M. Gorin est de bonne famille. C’est, poursuivit-elle, en s’adressant à M. Gavel, un parent de Mlle Boc, né comme elle de bourgeois ruinés, mais de fort bonne souche. M. Frédéric Gorin travaille à refaire sa fortune, et il y réussira. Il fait ici des affaires avec les paysans…

— Et de jolies affaires ! interrompit Émile, où il triche de son mieux.

Un coup d’œil de sa mère lui imposa silence. Elle reprit : Il a le malheur de faire le maquignon et de prêter à courte échéance. Vous savez de quels cris populaires tout cela est l’objet. Mais c’est un banquier de village, voilà tout, dit-elle avec un fin sourire ; un homme doué de beaucoup d’aptitude pour le commerce, et qui fera sa fortune assurément.

La porte s’ouvrit pour annoncer M. Frédéric Gorin, et l’on vit entrer un homme de trente ans, de forte encolure, vulgaire et tournant déjà à l’obésité. Sa voix était forte, et, comme il ne savait pas la maîtriser, il avait toujours l’air de se croire à la halle ou dans une écurie. La sottise et la ruse luttaient sur son visage avec la bonhomie, cette