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Gustave était de cette race bourgeoise dont l’irréligion factice donne à la religion une si belle proie, si belle, qu’à ces ennemis faciles à réfuter et faciles à conquérir, elle doit une grande part de sa puissance.

— Oh ! répondit Lucie, tu me laisseras au seuil de l’église, si tu n’y veux pas entrer.

Gustave fut déconcerté comme un homme qui aurait fait des frais de bravoure contre un mannequin.

— Ah ! ah ! tu me permets donc d’être incrédule, toi ? demanda-t-il.

— Moi, Gustave ? je n’ai rien à te permettre ni à te défendre à cet égard.

— Mais toi, Lucie, que penses-tu de la religion ? dit le jeune Bertin d’un air héroïque.

— Je ne puis pas la discuter, je suis trop ignorante, répondit-elle. Il y a des choses qui me choquent, il y en a d’autres qui me touchent. Comme tout le monde, je vais à l’église, par la raison d’abord que tout le monde y va, et puis aussi parce que j’aime les chants, l’odeur de l’encens, la voûte majestueuse et la foule recueillie. Quelquefois j’y prie de tout mon cœur, et je trouve cette croyance douce, qu’on peut s’entretenir avec Dieu.

— Je crois bien, ma pauvre petite ; tu as si peu à qui parler ici. Mais, vois-tu, dit-il en baissant la voix jusqu’au ton de la confidence, la religion chrétienne, c’est tout bonnement une invention des prêtres pour nous mener par le bout du nez.

Lucie se mit à rire tout haut et de bon cœur.

— Hein ! te moques-tu de moi ? fit Gustave.

— Non, mon frère ; mais il me semble que ce doit être quelque chose de plus.

En chemin, Gustave saluait les gens d’un ton protecteur : Eh ! bonjour, mon vieux ! Bonjour, ma belle ! ne se reconnaît-on plus ?