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attristants au point de vue du bien-être des populations.

Une américaine grise et bleue, attelée d’un fin cheval bai, roulait malaisément à travers la plaine. Le chemin était large et gazonné, mais sillonné d’ornières profondes où les roues s’enfonçaient à faire crier l’essieu. En vain le conducteur s’efforçait d’éviter ces ornières, il n’y échappait que pour subir des cahots épouvantables, causés par des touffes de brandes ou par des racines qui bosselaient le chemin.

Ce conducteur était un jeune homme de vingt-huit à trente ans, de belle figure et de mise élégante, à la physionomie empreinte de cette sérénité superbe que possèdent les gens satisfaits d’eux-mêmes et du sort.

Il arrêta un instant pour faire souffler son cheval, qui ruisselait d’impatience plus que de fatigue. Allons, pauvre Gemma ! nous y serons bientôt, dit-il en regardant le mamelon, où de ce point déjà l’on apercevait entre les arbres des maisons et des terrains cultivés.

L’air était doux, quoique vif ; l’herbe, grise de rosée. Une pure lumière sans rayons éclairait le paysage ; on était aux derniers jours de mars.

Assis à côté du maître de Gemma, un homme de cinquante ans, de figure vulgaire et de mine obséquieuse, s’inclinait en souriant, chaque fois que le jeune homme parlait. Il répétait complaisamment : — Oui, pauvre Gemma, nous y serons bientôt ! et il ajouta : — Quel horrible chemin !

— Ce pays a besoin de tout votre zèle, monsieur Berthoud, observa le jeune homme.

— Aussi le lui consacrerai-je, monsieur l’ingénieur, vous pouvez m’en croire. Avec d’autant plus d’ardeur, ajouta-t-il, que ce sera peut-être travailler… non-seulement dans l’intérêt du pays, mais encore dans l’intérêt de M. Fernand Gavel.

— Dans mon intérêt à moi ? Comment cela ?