Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Eh quoi ! lui dit-elle, vous ne vous reposez même pas le jour de Pâques ?

— Ah ! si ça vous contrarie, mam’zelle Lucie, je vas cesser tout de suite. Mais, voyez, encore un temps et ça sera fini.

— Ce n’est point cela, Michel, c’est parce que nous sommes dans un grand jour de fêle que je vous sais plus de gré de nous avoir consacré votre matinée.

— Oh ! c’est mon plaisir, mam’zelle Lucie, faut pas me remercier.

— Mais si, dit-elle, nous vous devons des remerciements, et de plus… Elle s’arrêta, ne sachant comment dire pour lui offrir, sans le blesser, le prix de son travail. Pourtant le moment était venu. Tandis qu’elle hésitait ainsi, en détournant les yeux, Michel appuyé sur sa bêche la contemplait avec admiration. Il n’était pas en toilette, lui : pantalon de bure bleue, chemise de toile blanche, chapeau de paille usé. Mais les masses d’une chevelure abondante et fine, — beauté moins rare qu’on ne croit chez les paysans, — soulevaient ce vieux chapeau, sous lequel la figure noble et intelligente de Michel n’était que plus remarquable, tandis que son vêtement laissait à découvert sa large poitrine et ses bras nerveux. Lucie eût obéi à une réserve instinctive en s’éloignant de son cousin ou de tout autre jeune homme qu’elle eût vu dans ce costume ; auprès de Michel, le fils de la mère Françoise, elle n’y pensa pas. Elle rougit, mais par un autre motif, en disant :

— Vous nous avez rendu un véritable service, Michel, en défrichant ce pauvre jardin qui serait resté inculte peut-être quinze jours encore, au grand désavantage de nos récoltes. Je vous en remercie donc beaucoup, mais ensuite… combien vous devons-nous pour cela ?

Michel tressaillit et regarda Lucie avec surprise ; puis il