Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— V’là pour Mme Bertin, dit-il, v’là pour mam’zelle Clarisse, et voici le vôtre, mam’zelle Lucie.

Voici le vôtre ! En vérité Lucie fut confuse et fâchée. L’hommage d’un bouquet, voilà de ces choses qu’elle comprenait. Passe encore si les trois rameaux eussent été pareils, cela n’eût eu que le caractère d’une attention obligeante. Mais tandis que les rameaux destinés à sa mère et à sa sœur étaient simplement nuancés çà et là de jonquilles et de violettes, le sien était littéralement couvert de toutes les fleurs de la saison, disposées avec un goût véritable. Les jacinthes embaumées s’y mêlaient aux primevères, les pervenches aux anémones, aux violettes et aux crocus. Michel avait dû passer beaucoup de temps à disposer si bien tout cela, et tant de soin et de patience dépensés dans un bouquet par un garçon de vingt-deux ans, cela est suspect depuis longtemps dans le monde. Aussi Mlle Bertin remercia-t-elle d’assez mauvaise grâce le jeune paysan. Elle eut même la cruauté de dire :

— Oh ! mais celui-là est le plus joli, je le donnerai à Clarisse.

Michel ne répondit pas ; seulement il devint triste, et Lucie eut un léger remords. Cependant elle se dit, quand elle l’eut quitté :

— Serais-je donc exposée à de tels hommages ? Oh ! ce serait humiliant !

Maïs, comme elle avait un grand esprit de justice, elle reprit bientôt : Non, l’affection d’un honnête homme, quel que soit son rang, ne doit pas humilier. Toutefois cette idée lui était importune. Elle finit par hausser les épaules en se disant : Je suis folle ! Michel a de l’amitié pour moi ; il me la témoigne. Quoi de plus simple ? Vraiment on a parfois des idées bien ridicules !

En conséquence, dans son abjuration de toute mauvaise pensée, elle prit pour aller à la messe le joli ra-