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sanne. Hosannah ! C’est de l’hosanne, c’est la fête de l’hosanne, disent-ils.

Lucie se rendit au jardin vers neuf heures. Elle y trouva Michel qui, fidèle à sa promesse, avait déjà bêché près de deux carrés.

— Comme vous avancez ! dit-elle. Quoi ! déjà deux carrés depuis ce matin ?

— Ça n’en est pas moins de bon ouvrage, mam’zelle Lucie, dit-il en plongeant ses mains dans la terre émiettée. Vos haricots et vos salades viendront tout à l’aise là dedans. Mais je me suis levé avant jour, et, ma foi, quand j’ai donné le premier coup de bêche, je ne savais trop où.

— Vraiment, dit Lucie, vous êtes bien courageux et bien obligeant, Michel.

Elle voulait ajouter : quel prix fixerons-nous pour votre ouvrage ? Mais, comme elle pressentait que Michel, travaillant le dimanche, faisait cela uniquement par bon office, et que même la proposition d’un paiement lui serait pénible, elle hésita de nouveau. Pourtant, la dose de fierté bourgeoise qu’elle n’avait pu s’empêcher d’acquérir, lui défendait d’accepter un service gratuit, surtout long et pénible, non pas de ce jeune homme, mais de cet inférieur. Elle était ainsi, par seconde nature, toutes les fois qu’elle n’y pensait pas, et que rien ne l’engageait à se conduire autrement. Tout caractère, d’ailleurs, même exceptionnel, n’est-il pas forcé de se plier aux habitudes générales pour les neuf dixièmes de son action ?

Elle se lira d’embarras en se disant : Il sera temps de traiter cette question quand l’ouvrage sera terminé.

— À présent, mam’zelle Lucie, faut me donner des graines ; je vais tout de suite ensemencer. Le temps presse, et ça serait dommage si la terre n’avait rien à faire pousser pendant huit jours de beau soleil.