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tait pas le dimanche. Dans ces rues étroites, sombres et raboteuses, il faisait plus sombre que dans la campagne, si bien que Lucie tout à coup heurta contre une grosse pierre et faillit tomber. Elle eut peur et fit un léger cri.

— Ah ! pardon, s’écria Michel, qui s’éveilla comme d’un rêve, pardon, mam’zelle Lucie, j’aurais dû vous aider. On n’y voit plus goutte, donnez-moi la main.

Lucie lui donna la main et ils continuèrent de marcher.

Peu à peu la jeune fille trouva que la main de Michel était bien brûlante, si brûlante enfin qu’elle voulut retirer la sienne, sans trop savoir pourquoi. Mais elle ne put se dégager, parce qu’à mesure qu’elle essayait de la retirer, la main de Michel se serrait davantage. Elle dit alors :

— Je vous remercie, Michel, à présent je puis marcher seule.

Il ne répondit que par une étreinte si forte que Mlle Bertin s’écria :

— Mais à quoi pensez-vous donc, Michel ? vous me faites mal.

Il poussa une vive exclamation et ouvrit la main avec effort. Mais il ne dit rien, et Lucie trouva que Michel était bien un peu extraordinaire.

Un instant après, comme ils arrivaient à la maison de la mère Françoise :

— Bonsoir, mam’zelle, dit Michel brusquement, et, se précipitant vers sa demeure, il laissa Mlle Bertin dans les ténèbres, au milieu du chemin qui longe le cimetière.

Pour le coup, Lucie fut surprise et vivement désappointée. Elle venait de se livrer naïvement au plaisir d’admirer l’intelligence et la noblesse de ce jeune homme ; elle s’était même étonnée de trouver en lui une politesse naturelle, due évidemment à des instincts délicats, et le voilà qui tout à coup devenait indifférent, grossier