Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bourgeois dont la vanité est le seul principe. Pourtant elle se fût moquée de Michel s’il eût fait l’esprit fort ; mais comme elle était naturellement simple et franche, elle aima la franchise et la simplicité de ce jeune homme. Elle aussi, elle savait réellement bien peu de chose ; mais chez M. Bourdon, où le monde venait se reproduire dans le microcosme des journaux, elle avait entendu traiter ou plutôt effleurer bien des sujets. Elle se rappela donc que, entre le réalisme et l’illuminisme, après tout, la question était encore pendante. Vis-à-vis de l’inconnu, ces gens comme il faut, qui tranchent tout par la négative, qu’avaient-ils de plus que Michel ? rien que l’outrecuidance de la sottise. Donc, elle répondit au jeune paysan :

— Peut-être la science vous apprendrait-elle peu de chose à cet égard ?

— Quoi ! mam’zelle Lucie ? s’écria-t-il avec surprise, la science, n’est-ce pas de savoir ?

— Oui ; mais, à ce que j’ai entendu dire, les savants ignorent encore la plus grande partie des choses, et précisément ce qu’on voudrait le plus connaître.

— Si c’est comme ça, tant pis ! dit-il un peu déconcerté. Puis il reprit au bout d’un instant : Oui, c’est juste ; faut ben qu’il reste quelque chose à apprendre, sans quoi les savants n’auraient plus rien à faire, et ils s’ennuieraient ; car ça doit être un plaisir de chercher le comment et le pourquoi des choses, quand on a devers soi tout ce qu’il faut pour bien chercher. Mais c’est une grande pitié, allez, mam’zelle Lucie, quand, sur tant de questions qu’on se fait, on n’a rien à répondre, sinon qu’on ne sait pas !

— Quoi ! cela vous tourmente réellement ? demanda-t-elle.

— Oui, mam’zelle Lucie ; est-ce pas naturel ? faut-il pas savoir ce qu’on est venu faire au monde ? et comment