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— Je suis très-fâchée, dit Lucie, de ne pouvoir rester auprès d’elle pour l’aider et l’encourager ; car ses voisines lui portent plus de trouble que de secours. Ne veulent-elles pas envoyer chercher le devin, celui de Château-Bernier, votre ancien maître ? Qu’en dites-vous ?

— Oh ! c’est un homme habile pour les cassures de bras ou de jambes, mais non pas, à ce que je crois, pour les maladies.

— Et qu’en savez-vous ?

— Pas grand’chose, mam’zelle ; mais je sais qu’il n’a pas étudié, qu’il ne connaît point le dedans du corps, et y a-t-il moyen qu’un homme, tant fin soit-il, sache à lui seul, sans l’avoir appris, tout ce que les autres ont trouvé depuis que le monde est monde ?

— Alors, vous ne le croyez pas sorcier ?

— Non, mam’zelle Lucie, non, j’en jurerais : il ne l’est point. Voyez-vous, je l’ai ben regardé quand j’étais chez lui. Pour ce qui est de la pluie ou du beau temps, de la grêle ou de la gelée, j’en sais d’aussi fins qui ne sont pas sorciers. Non plus, il ne sait pas mieux qu’un autre ce qui se passe chez lui quand il n’y est pas ; mais c’est seulement un finaud qui connaît son monde, et qui, à cause de ça, devine souvent ce qu’on n’a pas dit.

— Puisque vous êtes si pénétrant, Michel, à coup sûr vous ne croyez pas qu’il existe des devins ?

— Pour quant à ceux que je ne connais pas, mam’zelle Lucie, je n’en saurais parler.

— Quoi ! vous pourriez supposer que certains hommes aient un pouvoir surnaturel ?

— Ah ! mam’zelle Lucie, il y a tant de choses que je ne sais pas ! Et si donc je voulais dire ça est ou ça n’est point, serais-je pas un grand sot ? J’enrage ben assez déjà, allez, d’être un ignorant.

Lucie avait reçu quelque peu sa part du scepticisme