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temps en temps, elle se levait et allait frotter les tempes de la malade.

On frappa. C’était Michel.

— Bonsoir ! dit-il en entrant ; vous avez ben de la peine par ici ! Ma journée finie, je suis venu vous voir. Il serra la main de Bernuchon. Gène voulut lui répondre et fondit en larmes. Pauvre Gène ! dit Michel en l’embrassant. Alors, avec cette liberté d’allures et de sentiment que les paysans seuls ont conservée, Gène entoura de ses deux bras le cou de Michel et se mit à sangloter en poussant des cris, comme si la vue de cet ami eût renouvelé sa douleur. De grosses larmes coulaient sur les joues de Michel.

Après qu’on eut repris, du moins à l’extérieur, un peu de calme, et qu’on eut échangé sur la situation toutes les tristesses et toutes les espérances que chacun trouvait en soi, le jeune paysan dit à Lucie :

— Nous partirons quand vous voudrez, mam’zelle ; vot’ mère est en peine de vous, et, quand elle a su que je venais, elle m’a chargé de vous ramener. Puis il ajouta plus bas : Mme Bertin m’a dit comme ça qu’elle ne voulait pas que vous passiez la nuit près d’une morte, qu’elle viendrait plutôt vous chercher. Lucie connaissait les faiblesses et les bizarreries de sa mère ; elle n’hésita plus, embrassa Gène et partit avec Michel.

Le ciel était couvert, la nuit sombre ; à peine apparaissaient quelques étoiles entre les nuages ; mais le chemin était facile, et, marchant côte à côte, ils causaient.

— Vous avez conservé pour Gène toute votre amitié d’autrefois, dit Lucie.

— Oui, mam’zelle, car c’est une bonne fille que Gène, et aimable et gentille. C’est un plaisir que de causer avec elle. Peut-être est-ce parce qu’elle cause d’habitude avec vous. Oui, j’ai son chagrin sur le cœur.