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Tandis que la mère essuyait une larme, l’enfant souriait à Lucie.

— Vous devez être bien fatiguée, dit Mlle Bertin, de porter si loin ce gros enfant ?

— Et comment le laisser ? Il ne veut jà ! Si vous le voyiez s’agripper à moi en criant au perdu, quand je veux le donner à sa petite sœur ! Ma foi ! je travaille d’un bras et le tiens de l’autre. Nous ne sommes guère à l’aise tous deux, mais nous sommes contents. Pas vrai, Jean ?

Le petit riait d’un air d’intelligence en regardant sa mère. C’était un enfant d’environ dix mois.

Lucie le prit et, l’embrassant :

— Viens un peu avec moi, petit ami.

— Bien ! bien ! c’est bon ! je m’en vas, dit la Mourillon ; et, feignant délaisser l’enfant à Lucie, elle s’éloigna de quelques pas.

Le petit Jean, alors, poussa des cris horribles en tendant les bras vers sa mère, et, quand elle l’eut repris, il eût fallu le voir se blottir dans le sein maternel avec un cri sauvage de joie et d’amour ! Lucie dit brusquement adieu à la Mourillon, et s’éloigna vite. De grosses larmes coulaient sur ses joues. Si calme à l’ordinaire et de si douce humeur, la pauvre enfant était ce jour-là dans une disposition fatale, où tout ce qui se présentait à elle servait d’aliment au chagrin. Oh ! jamais ainsi de petits bras n’entoureront son cou ! Jamais elle ne sera l’amour et la joie d’aucune de ces petites créatures humaines ! Le doux et frais visage de l’enfant était toujours devant ses yeux ; elle entendait toujours ce cri qu’il avait jeté en se retrouvant dans les bras de sa mère, et, quoi qu’elle fît, elle ne pouvait retenir des sanglots.

Elle se hâta d’arriver au chemin creux qui descend le ravin de la Fontaine-aux-Fées. Ce chemin étroit, couvert de vieux chênes, est tapissé d’herbe et jonché de grosses