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tant vous en parler, à vous. Peut-être l’avez vous lu ? Si vous ne l’avez pas lu, je vous le prêterai ; ma mère me le rendra bien, quoiqu’elle me l’ait caché.

— Elle vous l’a caché ! mais pourquoi donc ? s’écria Lucie.

— Parce qu’elle était tout assottée de me voir tant pleurer. De fait, ça me rendait comme fou ; mais c’est égal…

— Enfin, dites-moi le nom de ce livre, Michel.

Paul et Virginie, dit-il rapidement, tout en bêchant de toutes ses forces.

Et un instant après, relevant son visage couvert de rougeur, il reprenait avec un regard timide : — L’avez-vous lu ?

— Oui, répondit-elle en rougissant aussi. En effet, c’est bien beau !

Un moment ils restèrent absorbés dans les mêmes émotions et dans les mêmes souvenirs.

Une pierre croulant du mur en pierres sèches qui bordait le chemin, leur fit tourner la tête, et ils aperçurent la Touronne qui passait par une brèche pratiquée là depuis longtemps et qu’on ne songeait point à relever, bien qu’elle s’agrandît chaque jour.

— Bonjour, mam’zelle ; bonjour, Michel. Savez-vous la nouvelle ? Le sous-préfet est au logis, à demander pour son fils Mlle Aurélie. Ainsi voilà qu’est ben sûr ; nous verrons la noce.

— On dirait que ça vous fait grand plaisir, mère Touron ?

— Oui, mam’zelle, moi j’aime comme ça le beau. Non pas comme chez nous aut’ paysans, que ça va tout à la flanquette, sans façon. N’y a pas de plaisir. Nous sommes trop bêtes. Mais, pour les messieurs, ils font tout comme il faut.