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n’était plus l’épuisante et sèche ardeur de l’amour mystique, mais la vie même, l’inondant de ses flots sacrés, de ses joies les plus puissantes et de ses harmonies les plus pures, depuis l’éveil de l’aube et le premier sourire de l’enfant, jusqu’aux grands soirs des Thermopyles et de Mentana, jusqu’aux bûchers de Jean Huss et de Jeanne Darc. Elle se sentit en paix avec le bien et tout d’un coup cessa de croire à Satan.

D’un pas ferme, elle se dirigea dans l’église, jusqu’à la porte de la rue. Un bruit qui se fit entendre ne la troubla pas. Elle eût rencontré le prêtre qu’il ne l’eût point arrêtée. Elle traversa la ville et se rendit chez le notaire Bernafoux.

L’homme de loi fit un haut-le-corps en entendant cette jeune sœur expliquer le but de sa démarche, réclamer ses droits de tutrice, reprendre sa volonté. Devant ses clercs, qui purent en certifier, il ne manqua pas de lui représenter le scandale d’une pareille résolution. M. Bernafoux faisait les affaires de deux communautés et communiait tous les ans. — Cependant, il voulut bien remettre à sœur Sainte-Rose une copie du testament et l’engagea à se rendre chez le juge de paix.

Celui-ci était un voltairien libéral, avec les biais qui conviennent à un homme en place. Il reçut la jeune sœur avec bonté, l’appela mon enfant et se crut toutefois obligé de lui demander si elle avait bien compris toutes les conséquences de sa démarche. Apprenant qu’elle avait à peu près de quoi vivre et qu’elle voulait aller à Paris, il sourit et laissa voir qu’il ne dé-