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tout son cœur s’élançait après eux, suivi de sa conscience en courroux.

Ce n’est pas qu’elle manque de courage ; elle se dévouerait pour eux en silence avec bonheur ; mais habituée à tout renfermer en elle-même, une timidité invincible la retient au seuil de ce passage de la volonté à l’action.

Tout à coup la porte s’ouvrit, et la supérieure entra.

Cette vue terrifia sœur Sainte-Rose bien plus encore. C’était une personne si imposante que la Sainte mère ! Sa démarche lourde, sa taille épaisse, le ton gris-clair de son œil froid, la croix qui pendait sur sa poitrine, tout, jusqu’à son double menton, avait aux yeux de la jeune religieuse un tel caractère, que si elle eût dû représenter sous figure humaine l’autorité même, elle n’eût point imaginé d’autres traits que ceux de la supérieure. Elle vivait sous ce pouvoir depuis son enfance, et l’enfance et la jeunesse ont une puissance extraordinaire pour incarner leurs illusions autour d’elles.

D’une bouche moins naïve, la Sainte mère eût reçu le nom de grosse mère plus volontiers. Elle ne manquait pas, en effet, de vulgarité, bien qu’elle fût intelligente ; mais la vie qu’elle menait l’avait affaissée sur elle-même, dans un cercle de petits commérages et de petits soins ; puis, elle était de nature très positive, ainsi que l’indiquait son regard. Ce qu’il y avait encore de très imposant en elle, c’était la grande considération qu’elle se portait, et dont on ne pouvait manquer de recevoir